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Il est fréquent de constater que certains contrats ne respectent pas les obligations, prévues par la règlementation régissant les mentions que le Contrat d’engagement doit obligatoirement contenir. Parlons-en.
Il peut alors exister une ambiguïté soit sur le nombre d’heure hebdomadaire que l’agent sera amené à effectuer, soit sur le nombre d’heure de l’emploi à temps complet servant de référence pour la liquidation de la rémunération :
Ex : un agent effectuant un temps de travail de 5 heures hebdomadaires par référence à un indice majoré donné sera rémunéré différemment selon que l’on considère qu’il occupe un emploi dont le temps complet est de 35 heures hebdomadaire ou de 16 heures hebdomadaire, puisque, dans le premier cas, sa rémunération sera de : IM X 5/35, et dans le second, elle sera de IM X 5/16.
La règle d’interprétation est, en principe donnée à l’article 1188 du Code Civil, il appartient au juge de déduire des éléments dont il dispose la commune intention des parties…
Cependant, cela n’est pas toujours évident.
Dans un arrêt récent, la Cour Administrative d’Appel de NANCY a sanctionné une Communauté de commune dont les contrats mentionnaient seulement un nombre d’heures annuel et un indice majoré se référant à un échelon de l’emploi de professeur d’enseignement artistique mais sans aucune référence ni à la durée hebdomadaire de service ni à la durée hebdomadaire de référence à temps complet.
Elle a condamné la Communauté de communes à payer à l’agent un différentiel de traitement calculé sur la base de l’indice majoré figurant au contrat, un temps de travail hebdomadaire à temps complet de 16 heures et une durée de service annuelle de 36 semaines, tenant compte des congés scolaires ;
« 5. D’autre part, contrairement à ce que soutient M. B, aucune des dispositions de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ne renvoie aux dispositions des articles 4 à 6 de cette même loi instituant des cadres d’emploi régis par des statuts particuliers. Les dispositions du décret du 15 février 1988 pris pour l’application de cet article 136, auxquelles les contrats de M. B se réfèrent explicitement, ne font pas plus référence à ces cadres d’emploi. Il s’ensuit que les agents non-titulaires nommés par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale dans un emploi permanent de professeur d’enseignement artistique ne bénéficient pas de plein droit des dispositions du décret du 2 septembre 1991, portant statut particulier du cadre d’emploi des professeurs territoriaux d’enseignement artistique, relatives à l’obligation de service hebdomadaire de seize heures à laquelle sont soumis les fonctionnaires relevant de ce cadre d’emploi.
6. Toutefois, et alors même, comme il vient d’être dit, que M. B, en qualité d’agent non titulaire, ne bénéficiait pas de plein droit des dispositions du décret du 2 septembre 1991 soumettant les seuls fonctionnaires du cadre d’emploi des professeurs territoriaux d’enseignement artistique à une obligation de service hebdomadaire de seize heures, il ressort des quatre contrats conclus par M. B avec la commune de Phalsbourg, puis avec la communauté de communes du Pays de Phalsbourg que la rémunération de l’intéressé a été fixée sur la base de l’indice brut 741, majoré 612, correspondant au 8ème échelon de l’échelle indiciaire du grade de professeur d’enseignement artistique, tandis qu’aucune stipulation ne comporte de référence expresse à une durée annuelle de travail d’un agent employé à temps plein, à l’aune de laquelle aurait pu ou dû être calculé la quotité de travail de l’intéressé au regard des heures de travail prévues aux contrats. Ainsi, il se déduit des contrats, dans les termes où ils ont été rédigés, que la commune intention des parties devait être regardée comme ayant été de déterminer la quotité de travail de M. B par référence aux dispositions du cadre d’emplois des professeurs territoriaux d’enseignement artistique soumettant à 16 heures l’obligation hebdomadaire de service de ces professeurs.
7. Il résulte de l’instruction que le nombre d’heures de travail de M. B s’est établi à 192 au titre de l’année 2013-2014, à 162 au titre de l’année 2014-2015, à 198 au titre de l’année 2015-2016 et à 191 au titre de l’année 2016-2017. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la quotité de travail de M. B doit être calculée en comparant ce nombre d’heures de travail, exprimé sur une base annuelle dans les contrats, à l’obligation de service établie à seize heures par semaine par le statut particulier des professeurs territoriaux d’enseignement artistique. Cette obligation de service doit être regardée comme ayant été instituée en référence aux rythmes de l’année scolaire, laquelle comporte en principe 16 semaines de congé, au cours desquelles cette obligation de service n’est pas imposée. Il s’ensuit que, pour être comparée à la durée hebdomadaire de cette obligation de service, le nombre annuel d’heures de travail prévues dans les différents contrats de M. B doit être divisé par 36,14, nombre correspondant au nombre de semaines de l’année scolaire, hors période de congé. Le nombre hebdomadaire d’heures de travail accomplies par M. B selon ce calcul s’établit dès lors à 5,31 au titre de l’année 2013-2014, à 4,48 au titre de l’année 2014-2015, à 5,48 au titre de l’année 2015-2016 et à 5,29 au titre de l’année 2016-2017. Sur la base d’une obligation hebdomadaire de service de 16 heures pour les professeurs employés à temps plein, la quotité de travail de M. B pour ces 4 années correspond dès lors, respectivement, à 33,19 %, 28 %, 34,25 % et 33,07 %.
8. Il résulte de ce qui précède qu’aux termes des contrats conclus avec la commune de Phalsbourg, puis avec la communauté de communes du Pays de Phalsbourg, M. B pouvait prétendre au versement d’une rémunération mensuelle brute correspondant à l’application de ces pourcentages au montant de la rémunération mensuelle brute d’un professeur territorial d’enseignement artistique employé à temps plein, sur la base de l’indice majoré 612, correspondant au 8ème échelon de l’échelle indiciaire du grade de professeur d’enseignement artistique. »
Dans une affaire où un agent occupait les fonctions de professeur de musique au sein d’une commune dans le cadre de contrats à durée déterminée régulièrement renouvelés, l’agent obtient du tribunal administratif la condamnation de la commune à lui verser une somme correspondant à la différence entre les salaires effectivement perçus et ceux correspondant aux grades, échelons et indices figurant sur ses contrats pour cette période.
La commune relève appel, sans succès : dans la mesure où elle n’a pas été recrutée en tant que vacataire mais en qualité de contractuelle, l’agent aurait dû percevoir une rémunération correspondant à l’indice majoré figurant sur ses contrats, calculée, selon la durée de travail effectif, par référence à une activité à temps plein de l’emploi de fonctionnaire de référence et non, comme ce serait le cas si elle avait la qualité de vacataire, en fonction de sa quotité mensuelle de travail ;
« Enfin, la rémunération de Mme A.- G. y est fixée non en fonction de la nature et du nombre de missions exécutées, mais suivant les mêmes modalités que celles agents titulaires exerçant les mêmes fonctions. Dans ces conditions, et malgré le terme de « vacataire » figurant sur les contrats de travail, Mme A.- G. n’a pas été engagée sous le statut de vacataire mais, conformément à l’article 3- 2 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, afin de faire face à un besoin permanent, en étant nécessairement assimilée aux assistants d’enseignement artistique titulaires, dont la durée de service est fixée à 20 heures par semaine.
…
Or, il résulte de l’instruction, et notamment des bulletins de paie produits par Mme A-G, que le montant des salaires qui lui ont été versés à compter du 1er novembre 2013 est inférieur aux rémunérations correspondant à l’indice majoré stipulé dans les contrats de travail de l’intéressée, qui aurait dû être déterminé, selon la durée du travail effectif de l’intéressée, par référence à une activité à temps plein correspondant à une durée hebdomadaire de service de 20 heures et non, contrairement à ce que soutient la commune, en fonction de la seule quotité mensuelle de travail de l’intéressée variant, selon les engagements, entre 61 heure et 76 heures. Dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges l’ont condamnée à indemniser Mme A-G de son préjudice financier correspondant à la différence entre les salaires qu’elle a effectivement perçus et ceux, correspondant à l’indice majoré figurant sur ses contrats de travail et ses bulletins de salaire.»
Le tribunal Administratif de NICE a jugé à propos d’un agent non titulaire, recruté par référence au statut de fonctionnaire des assistants territoriaux d’enseignement artistique :
« la commune X, qui a arrêté la rémunération de Mme Y par référence au traitement d’un assistant territorial d’enseignement artistique, devait, pour fixer la quotité de son temps de travail, se déterminer par rapport à une durée hebdomadaire de service de 20 heures accomplie durant les périodes correspondant à l’activité scolaire ».
Certaines Cours administratives sont beaucoup plus « compréhensives » avec les collectivités en présence de contrats mal rédigés.
C’est le cas de la Cour Administrative d’Appel de VERSAILLES.
Dans une affaire où lui était soumis un contrat qui était muet sur la durée de service hebdomadaire à temps complet de l’emploi occupé, mais qui faisait cependant expressément référence au décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 régissant le statut des assistants territoriaux d’enseignement artistique, et qui, de surcroît, était pris sur la base d’une délibération mentionnant explicitement que l’emploi créé l’était sur une base à temps complet de 20 heures hebdomadaires ( conformément aux dispositions de l’article 3 du décret n° 91-298 du 20 mars 1991), elle a estimé que la commune avait néanmoins pu considérer que la rémunération était calculée sur la base d’un emploi à temps complet de 35 heures hebdomadaire…
« .., les contrats de M. B. se bornent à indiquer que l’intéressé est engagé à temps non complet 4h45 puis 5h hebdomadaires, sans indication du régime d’obligation de service hebdomadaire sur la base duquel sa rémunération sera calculée.
La circonstance par ailleurs que ses contrats de recrutement visent le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012, qui permet de caractériser le poste occupé, est insuffisant pour considérer que l’intention de la commune était de le soumettre à ces dispositions, qui ne sont pas directement applicables aux agents non titulaires. M. B. ne saurait se prévaloir en outre des délibérations de la commune créant l’emploi qu’il occupe dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire et définissant, conformément à l’article 3 du décret du 20 mars 1991, la durée hebdomadaire de service en fonction du régime d’obligation de service des fonctionnaires amenés à occuper ce poste, dès lors que ces délibérations n ’évoquent aucunement la situation des agents contractuels. Enfin, la circonstance que ses recrutements par d ’autres collectivités auraient toujours été établis sur la base d’une durée hebdomadaire de service de 20h, ce dont M. B. ne justifie pas au demeurant, est sans incidence sur l’interprétation de ses contrats conclus avec la commune de Nozay. Dans ces conditions, à défaut de toute précision dans son contrat, M. B. n’est pas fondé à soutenir que ses contrats doivent être interprétés comme établis sur la base d’un temps de travail à temps complet de 20h hebdomadaires et que la commune a commis une faute en calculant sa rémunération sur une base de 35h.
7. En revanche, si, en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l’autorité compétente dispose d’une large marge d’appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l’agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d’une contestation en ce sens, de vérifier qu’en fixant ce montant l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
8. En l’espèce, la commune de Nozay a fixé la rémunération de M. B. par référence à l’indice brut 524 majoré 449, puis, à compter du 1er octobre 2019, par référence à l’indice brut 547 majoré 465, correspondant au cinquième échelon du grade des assistants d ’enseignement artistique principal de première classe. En raison de l’application à l’intéressé du régime d’obligation de service de droit commun de 35h, ainsi qu’il a été dit précédemment, la rémunération effectivement perçue par le requérant est toutefois inférieure de près de 35% à celle perçue par un fonctionnaire titulaire au premier échelon de ce grade. Si la commune fait par ailleurs valoir que M. B. a également perçu, comme tous les agents de la commune, la prime mensuelle fixe et la prime de 13eme mois prévues par la délibération du 3 mars 2006 instaurant le régime indemnitaire, ces indemnités constituent des accessoires de rémunération devant être obligatoirement versés aux agents non titulaires en application de l’article 20 de la loi du 11 juillet 1983 cité au point 2. Dans ces conditions, M. B., diplômé de l’American School of Modem Music en 1995 et justifiant d’une expérience de saxophoniste professionnel de près de trente ans, est fondé à soutenir la commune de Nozay a commis une erreur manifeste d’appréciation en fixant le montant de sa rémunération et à engager sa responsabilité pour ce motif. Dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi, qui ne saurait excéder la rémunération nette dont M. B. a été privé, en allouant à ce dernier une somme de 5 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2020.
La Cour Administrative d’Appel de VERSAILLES a néanmoins donné partiellement satisfaction à l’agent en jugeant que, compte tenu de ce mode de calcul défavorable, on devait considérer que la fixation de la rémunération était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et que la Commune avait, par conséquent, commis une faute dans sa fixation donnant droit à l’agent à une indemnisation.
Cette position est la même que celle que la Cour de VERSAILLES avait déjà adopté dans une affaire beaucoup plus ancienne.